Une DPJ version aînés?

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24-octLe Soleil, 24 octobre 2011/- Pourquoi les personnes âgées ne bénéficieraient-elles pas d'une direction de la protection de la vieillesse?

C'est la question que se pose le médecin spécialisé en soins palliatifs et professeur à la faculté de médecine de l'Université de Montréal Serge Daneault, à la lumière de la mort tragique de Jeannine Proteau et de Gilles Nadeau.

 

«Pourquoi n'aurait-on pas la même chose qu'avec les enfants? Les aînés ont contribué toute leur vie à la société», fait valoir l'expert, auteur de plusieurs livres sur la mort, la souffrance et la vieillesse.

 

Selon lui, une direction de la protection de la vieillesse (DPV) permettrait d'organiser les soins autour des personnes âgées souffrantes, comme l'était probablement le couple de Val-Bélair avant de s'enlever la vie.

 

Le médecin, opposé à l'aide médicale à mourir, écarte l'hypothèse selon laquelle ils auraient voulu «partir» en paix et croit plutôt qu'il s'agit d'un suicide. Leur mort, dit-il, était trop brutale. «Cette violence découle d'une souffrance non soulagée», soutient M. Daneault, donnant l'exemple d'un animal devenant agressif lorsque blessé. Et peu importe si cette souffrance est physique ou psychologique, le système de santé n'est pas fait pour l'apaiser, dénonce-t-il.

 

Une DPV, dit le médecin, aurait permis aux filles de Mme Proteau - ou à d'autres proches - de signaler aux autorités les difficultés éprouvées par leur mère et son conjoint. Attention, met en garde le Dr Daneault, il ne s'agit pas d'employer la voie judiciaire ou encore de faire preuve de paternalisme pour forcer les aînés à recevoir des soins. Il serait plutôt question d'une meilleure organisation des services autour des aînés.

 

La ministre responsable des Aînés, Marguerite Blais, croit qu'à l'inverse, les personnes âgées risquent de se braquer à l'idée de la mise sur pied d'une telle instance, puisqu'elles se sentiraient «infantilisées». «Je pense qu'on a beaucoup de mécanismes en place pour soutenir les personnes vulnérables», a-t-elle soutenu, citant en exemple le Protecteur du citoyen et la Commission des droits de la personne et de la jeunesse.

 

Atteint d'une maladie neurodégénérative et musculaire, Ghislain Leblond, qui porte le flambeau au Québec du droit à l'euthanasie balisé par des critères précis, se demande également quel genre d'accompagnement Jeannine Proteau et Gilles Nadeau ont reçu.

 

«Est-ce qu'ils ont eu droit à un suivi, pas juste médical, mais aussi psychosocial? Si ces gens-là avaient pu parler à différents intervenants, peut-être qu'ils auraient vu d'autres options», s'interroge cet ancien fonctionnaire confiné à vivre en fauteuil roulant.

 

Et même s'il milite en faveur de l'aide médicale à mourir, il ne croit pas que ce remède «ultime» représente la solution appropriée dans tous les cas. «Cela prend des soins appropriés de fin de vie», martèle-t-il, citant en exemple la possibilité pour les aînés d'avoir un meilleur accès à des travailleurs sociaux, à des ressources financières ou à une aide adéquate pour rester à la maison. Sans parler d'une DPV, les solutions qu'il propose vont dans le même sens que celles évoquées par le Dr Daneault, l'euthanasie en plus.

 

Pour Ghislain Leblond, le droit de choisir la manière dont une personne souhaite s'éteindre est au coeur du débat entourant les soins de fin de vie. «Nous, on milite pour que chacun puisse mourir dans la dignité et la sérénité. Quand on voit un cas comme ça, ce n'est pas la dignité ou la sérénité, c'est la misère noire», se désole-t-il.

 

Âgé de 67 ans, M. Leblond est terrorisé par l'idée de finir ses jours paralysé, avec toute sa tête, dans un centre de soins de longue durée. «Si je savais qu'à ce moment-là, l'aide médicale pour mourir était disponible, j'envisagerais ma fin avec beaucoup plus de sérénité», affirme-t-il sans détour. Il croit que c'est parce qu'ils ne voyaient pas d'issue que Mme Proteau et M. Nadeau ont opté pour le suicide.

 

Puisque le couple ne réclamait pas d'aide, il était prêt à mourir, estime de son côté la présidente de l'Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité, Hélène Bolduc. «On pousse les gens à employer des méthodes soit clandestines, soit violentes. Mourir par pendaison, c'est inhumain. [...] C'est clair que s'il y avait eu une loi, les deux auraient pu être aidés médicalement», dit-elle.

 

Lien à l’article original : http://www.cyberpresse.ca/le-soleil/actualites/societe/201110/23/01-4460126-une-dpj-version-aines.php

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